Pour une spiritualité de la communication — Fédération des Médias Catholiques

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Pour une spiritualité de la communication

Document UCIP datant de 2000

 

 

De nombreux chrétiens des cinq continents, exerçant le métier de journalistes ou occupant diverses fonctions, dans le monde de la communication, souhaitent disposer de points de repère pour vivre une vie spirituelle en lien plus étroit avec leur profession. L’UCIP, à ce jour, n’a jamais vraiment traité de cette question en elle-même.

 

Le présent document ne veut pas constituer une doctrine, ni étudier de manière exhaustive ce sujet. Il souhaite fournir quelques critères et suggérer quelques moyens concrets. Pour aider les communicateurs chrétiens à voir et à approfondir ce que peut être une spiritualité de la communication.

 

I - Pourquoi une spiritualité de la communication ?

 

1. Il existe aujourd’hui une demande croissante de spiritualité chez nos contemporains. Or, à cette demande, correspond souvent une spiritualité déconnectée de la vie du monde et de l’expérience concrète personnelle. Au contraire, une spiritualité chrétienne digne de ce nom se définit comme une vie à l’écoute de l’Esprit Saint, donc attentive à tous les « signes des temps » et disponible aux appels du monde et de l’Eglise.

 

2. Les métiers de communication sont un lieu privilégié pour une telle spiritualité. Ils permettent à ceux qui les exercent de vivre un contact privilégié avec l’actualité profane et religieuse, et donc d’être à l’écoute de tous les appels qu’elle comporte. Ils fournissent une matière abondante pour la vie spirituelle des personnes et des groupes qui sont récepteurs des médias, mais aussi et d’abord pour celle des croyants exerçant eux-mêmes un métier de communication.

 

3. Parmi les signes de ce temps, on voit se développer une demande de meilleure articulation entre les convictions et les pratiques, entre la foi et la vie. Cette demande concerne évidemment, au premier chef, les communicateurs.

 

Eux qui sont des chercheurs de vérité sont invités, plus que d’autres encore, à faire la vérité dans leurs vies.

 

Eux qui sont habitués, désormais, à réfléchir à l’exercice de leur métier dans ses dimensions technique, économique et éthique doivent, s’ils sont chrétiens, entendre l’appel à aller toujours plus loin et toujours plus profond dans la quête du vrai et du juste dans leur propre existence.

 

Eux qui sont, par vocation, attelés à la connaissance du réel dans sa complexité, sont conviés à découvrir sans cesse mieux la réalité du Dieu qui se fait homme.

 

II - Fondements possibles d’une spiritualité de la communication

 

1. Un double enracinement

La « spiritualité » est, pour nous communicateurs, la manière d’accorder notre profession et nos convictions. Nous proposons cette définition parce qu’elle est la plus large et permet d’inclure un grand nombre d’aspects de la foi et de la vie, qu’il s’agit de mettre en relation de manière féconde. Ce n’est donc pas d’abord une tradition de vie spirituelle, comme il en existe heureusement beaucoup dans le christianisme, mais une école de vie intérieure.

A cette école, nous apprenons à entendre et à conjuguer le réel de la vie des hommes qui constitue le tissu de nos métiers, et la lumière de la Parole de Dieu qui éclaire notre foi. Autrement dit, une spiritualité de la communication, telle que nous l’entendons, a un double fondement. Elle s’enracine sur l’appel de Jésus à ses amis, pour qu’ils se mettent à l’écoute de l’Esprit et reçoivent de lui la force d’être des témoins de l’Evangile dans la vie du monde. En même temps, elle est étroitement connectée avec notre expérience humaine en toutes ses dimensions.

 

2. Des expressions variées

Une spiritualité de la communication s’exprime à partir de bases bibliques et théologiques variées. Selon les personnes et les sensibilités, on pourra se référer :

 

• A la vie de la Trinité : Le Dieu vivant n’est pas un monolithe, mais une relation entre trois personnes qui reçoivent leur identité les unes des autres. La communication est ici totale et parfaite, c’est-à-dire communion entre le Père, le Fils et l’Esprit. Elle se fait sans confusion ni séparation entr eux, mais grâce à leurs différences au sein d’une même nature divine. L’unité passe par l’altérité assumée. Chaque personne est elle-même en totalité et, dans le même temps, complètement  transparente à l’autre. Le modèle trinitaire peut inspirer en profondeur une manière chrétienne de pratiquer nos métiers. « L’union entre les hommes, en tant que fin principale de toute communication, trouve son origine et déjà sa préfiguration dans le mystère fondamental de l’éternelle société de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit » (Communio et progressio, n 8).

 

Ainsi, dans la vie de la Trinité divine, peut s’enraciner pour nous, communicateurs, une spiritualité de l’Echange

 

• A la personne de Jésus, le Christ. Jésus est « le Verbe, la lumière véritable, la Parole qui se fait chair », ainsi que le définit l’Evangile de Jean. Il est « parfait communicateur » (Communio et progressio n 11), modèle permanent et source inépuisable pour notre spiritualité. D’abord dans le mystère de son Incarnation par laquelle s’est produite l’« autocommunication » de Dieu à l’humanité. Ensuite, à travers sa vie tout entière tendue vers la communication aux autres de son message et de son être. Enfin, dans sa relation intimement filiale à Dieu, qu’il nous manifeste comme Père et à qui il remet toute sa vie, dans une communication totale.

 

Que sa parole s’exprime à travers la tendresse exigeante de son regard, dans la vitalité aimante de ses gestes, ou dans la force lumineuse de ses mots, Jésus révèle toujours l’autre à lui-même. Il a et Il est la Parole qui fait vivre, comme cela éclate dans tous les récits évangéliques. Ainsi, dans le message du Christ et dans sa manière de le vivre et de le transmettre, peut s’enraciner pour nous, communicateurs, une spiritualité de la Parole.

 

• A l’église. L’Eglise est présentée par le concile Vatican II comme le « sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen gentium n.1). Peuple de Dieu en marche. Lumière pour les nations, elle a pour mission de réaliser la communion entre ses membres et avec le Seigneur qui la conduit. La fraternité entre tous les disciples de Jésus, en même temps que la vocation de l’Eglise à manifester au monde entier la Vérité qui lui a été révélée, constituent les deux piliers ecclésiaux d’une authentique spiritualité de la communication.

 

Ainsi, dans le mystère de l’Eglise, sacrement de la communion de Dieu avec le peuple qu’Il aime au point de lui donner so propre Fils et de lui communiquer son Esprit, peut  s’enraciner pour nous, communicateurs, une spiritualité de la Rencontre.

 

III - Les conséquences d’une telle spiritualité

 

Quelle que soit la référence fondatrice choisie par chacun, la relation entre la foi chrétienne et l’exercice d’un métier de communication s’exerce nécessairement dans deux directions.

D’une part, notre foi éclaire et donne sens à notre travail : notre vie spirituelle consiste, en ce sens, à nous mettre à l’écoute de ce que Dieu nous dit à travers sa Parole, l’enseignement de l’Eglise et les événements de la vie des hommes.

D’autre part, notre expérience professionnelle donne consistance à notre foi. Celle-ci n’est pas un contenu figé et imperméable. Elle peut être renforcée par ce que notre métier nous permet de vivre. Elle peut aussi être mise à l’épreuve, parfois jusqu’à remettre en cause certaines formulations.

 

C’est donc une certaine « inculturation » qui se trouve en jeu à travers l’élaboration d’une telle spiritualité de la communication. Il s’agit de faire se rencontrer l’Evangile et une culture contemporaine fortement marquée par les médias. Cela invite chaque professionnel chrétien à porter en permanence la préoccupation d’une telle rencontre. Il le fera, d’une part, en s’interrogeant sur la manière dont il fait son travail, d’autre part, en partageant ce souci avec ses collègues croyants et avec les responsables des communautés chrétiennes à tous les échelons.

 

Ce travail sera mené à la fois par chaque personne concernée et collectivement : entre professionnels partageant la même foi (d’où le rôle irremplaçable de l’UCIP), mais aussi, dans le cas de médias chrétiens, au sein des rédactions, à l’écoute de la Tradition et de l’enseignement de l’Eglise.

 

Il est souhaitable qu’il existe pour cela, partout où c’est possible, des temps et des lieux de partage spirituel. On pourra y acquérir une formation et mettre en commun l’expérience et les questions de ceux qui le désirent. Certains communicateurs chrétiens, pour des raisons de discrétion, hésiteront à pratiquer un tel partage dans le contexte de leur travail quotidien. Ils doivent alors pouvoir le faire à d’autres moments, en d’autres lieux (groupes amicaux ou paroissiaux, échange au sein de mouvements chrétiens ou de communautés…).

 

IV - Chances et difficultés pour une spiritualité de la communication dans le monde actuel

 

Le contexte dans lequel les métiers de la communication s’exercent aujourd’hui conditionne nécessairement la façon de nourrir une authentique spiritualité. Il constitue, en même temps, une raison supplémentaire qui plaide en faveur de sa nécessité. Ce climat ambiant apparaît souvent ambivalent, marqué par des tensions entre deux pôles opposés. Il convient aux communicateurs chrétiens de l’appréhender dans toute sa complexité et d’en tirer profit pour leur vie spirituelle. Quatre grands pôles opposés peuvent ainsi être repérés.

 

1. Le double pôle global/local. Désir de proximité et immersion dans la globalité sont deux indicateurs de la condition humaine d’aujourd’hui. Une spiritualité de la communication respecte cette bipolarité, mais elle aidera aussi à la dépasser en partant de ce que vit chaque personne ou chaque communauté pour l’élargir à l’universel. Elle veillera à ce que le global ne soit pas écrasant pour chacun de ses composants.

 

2. Le double pôle individuel/collectif. Une tension analogue existe entre la singularité de la personne que la communication doit toujours préserver, et la communauté dans laquelle tout individu a vocation à s’inscrire. Cette tension est exacerbée par les excès de l’individualisme moderne, d’une part, et par l’anonymat dans lequel vivent de nombreux groupes humains d’autre part. Une spiritualité de communication permettra d’articuler les deux pôles en luttant contre ces excès déshumanisants.

 

3. Le double pôle immédiateté/discernement. L’accélération des rythmes de vie peut favoriser le meilleur - une prise de conscience rapide de ce qui se passe dans le monde - comme le pire, quand, par exemple, nous subissons les nouvelles sans avoir le temps de prendre du recul. La vie spirituelle, en nous donnant de la distance, aidera à replacer chaque événement à sa place la plus juste sous le regard de Dieu.

 

2. Le double pôle idole/icône. De plus en plus la mentalité contemporaine encouragée par les médias érige certaines figures de notre monde en « icônes ». C’est aussi la tâche de la vie spirituelle de conduire les communicateurs chrétiens à s’interroger sur leurs figures de référence, tant dans leur propre existence que dans les messages qu’ils émettent.

 

V - Quelques chemins possibles pour une spiritualité de la communication.

 

Il n’existe pas « une » spiritualité qui vaudrait pour tous les chrétiens travaillant dans les médias. Chacun, on l’aura compris, doit pouvoir trouver le chemin et la nourriture dont il a besoin. Seul ou avec d’autres. En fonction de sa sensibilité spirituelle personnelle, de son type de responsabilité et d’engagement, et du contexte qui lui est propre. A titre d’exemples, voici quelques chemins possibles.

 

1. On cherchera, par exemple, à établir le lien entre « la » Bonne Nouvelle de Jésus, le Christ, qui fonde notre foi et « les » nouvelles du monde que nous communiquons et commentons.

Avec le souci de ne pas céder à un « concordisme » trop facile. A la différence des journalistes, Dieu sait écrire droit avec des lignes courbes.

 

2. On s’efforcera, personnellement, ou en équipe, de faire l’expérience d’une tension entre la liberté éditoriale (critère indispensable de crédibilité professionnelle) et la fidélité doctrinale (condition sine qua non de notre appartenance ecclésiale). Il ne s’agit pas de se laisser enfermer dans une opposition stérile entre ces deux exigences, mais de se demander comment cette dialectique entre liberté et fidélité peut déboucher sur le service de la vérité : la vérité des faits, celle des personnes, et la « Vérité » qu’est le Christ.

 

3. On travaillera à maintenir une relation étroite et permanente entre la vie de prière, la vie sacramentelle et la vie professionnelle.

Un moyen : prier, seul ou avec d’autres, à partir des événements et des éléments qui forment l’essentiel de notre vie professionnelle. Un critère de vitalité spirituelle : la manière dont cette prière devient intercession, demande de pardon, louange ou d’action de grâces. En sens inverse, notre vie spirituelle sera considérablement enrichie si notre travail professionnel se laisse nourrir par la Parole de Dieu, particulièrement de tout ce que l’Ecriture contient d’actions prophétiques, de démarches de compassion et de guérison, de discernement des signes des temps, etc.

 

4. On n’hésitera pas à porter en soi des interrogations fortes. Une vie spirituelle, en effet, est faite de convictions, de jalons, mais aussi de questions. Celles-ci doivent parfois rester ouvertes, pour que chacun puisse apporter la réponse spécifique qui convient à sa situation. Par exemple, jusqu’à quel point est-il possible de pratiquer chrétiennement notre profession sans concessions sur l’essentiel ni compromissions ? Ou bien comment relier certaines pratiques d’information avec la vocation d’un chrétien dans l’Eglise et dans la société ?

 

Conclusion

 

Beaucoup d’autres exemples pourraient sans doute être ajoutés à chaque étape de cette réflexion. Il appartient à chacun de la compléter. Chacun a aussi besoin de l’aide des autres pour trouver la meilleure (ou, parfois, la moins mauvaise) réponse aux défis qu’il doit affronter. C’est pourquoi la réflexion de l’UCIP sur la spiritualité de la communication ne peut être vraiment mise en œuvre que par une large participation de ses membres, dans la grande diversité de leurs situations professionnelles et culturelles.

L’occasion en sera donnée à tous et à chacun à travers l’élaboration d’un recueil de prières et de textes - sources que nous projetons de mettre maintenant en œuvre.

 


 

 

Bibliographie

 

- Communication, media and spirituality, «The Way » supplément n°57 (Autumn 1986) : articles de Robert A. White, James Mc Donnell, Pierre Babin, Paul A. Soukup, etc.

 

- Chiesa e communicazione, metodi, valori, professionalità, sous la direction de Diego Contreras, avec des contributions de Mgr Foley, L. Accatoli, K. Zanussi, etc. (Libreria editrice vaticana, Rome 1998).

 

- Communication et spiritualité, par le cardinal Martini, Marcel Légaut, Henk Hoekstra et Pierre Babin (Chalet, Paris 1991).

 

- Médias, chance pour l’Evangile, par Pierre Babin et Angela Ann Zukowski (Lethielleux, Paris 2000).

 

- Média et foi chrétienne. L’image à l’épreuve de l’idolâtrie, par Guy Marchessault (Nevalis, Ottaxa 1998).

 

- Eloge de la fragilité. L’actualité à fleur d’Evangile, par Gabriel Ringlet (Racine Desclée de Brouwer, Bruxelles-Paris 1996).

 

- « Présupposés théologiques et principes éthiques d’une communication sociale solidaire et partagée » (Intervention au congrès de Dublin 1983) par Pinto de Oliveira.

 

Sans oublier les documents officiels du Magistère dont :

 

- Instructions pastorales Aetatis novae (1992) et Communio et progressio (1971) du Conseil pontifical pour les moyens de communication sociale.

- Les médias. Textes des Eglises, édité par le groupe Médiathec (Centurion, Paris 1990).

- Ethique dans les communications sociales (mai 2000) du Conseil pontifical pour les moyens de communication sociale.

- Discours de Jean-Paul II et homélie du cardinal Roger Etchegaray lors du jubilé des journalistes, 4 juin 2000.