Les lauréats témoignent — Fédération des Médias Catholiques

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Les lauréats témoignent

 Bernard Mangiante, lauréat 2022

Je tiens tout d’abord à remercier le jury pour cette belle reconnaissance du travail de Médiatrice Mukayitasire et du documentaire que je lui ai consacré. Je remercie également le CFRT, et en particulier Élodie Buzuel et le frère Thierry Hubert, qui ont accepté de me suivre dans cette aventure, commencée en 2012 avec Zadig Production.

Ce film est le portrait en action d’une femme exceptionnelle par sa trajectoire et son aura : Médiatrice est née au Rwanda en 1967, de parents tutsis. Elle était novice chez les Sœurs de Sainte-Marie de Namur à Ruyenzi et se préparait à prononcer ses vœux définitifs lorsque fut déclenché le génocide de 1994, durant lequel sa famille a été presque entièrement massacrée. Aujourd’hui, devenue psychologue, elle consacre sa vie à tenter de reconstruire l’humanité de son peuple, dans ce pays à la fois profondément catholique et hanté par une violence qui peut faire craindre une reprise des massacres.

Le film, je l’espère, fait entrevoir sur quels abîmes son destin oblige à se pencher : la question du pardon - insoluble dans un contexte comme celui de ce génocide, le devenir de la foi lorsque l’on a vécu de telles atrocités, la capacité à revivre et à aider les autres… Son histoire nous fait voir à quel point les mécanismes ayant conduit au génocide de 1994 sont universels : en France, nous ne sommes pas immunisés, nous ne sommes pas à l’abri…

Et à ce propos, je voudrais évoquer ici un souvenir du tournage. Nous venions de filmer une séquence où Médiatrice évoque la façon dont son père a été décapité par des voisins en 1994. À ce moment-là, mon portable a sonné. C’était mon fils qui m’appelait de Paris pour m’apprendre la décapitation de Samuel Paty. Nul besoin d’expliciter ici les court-circuit émotionnels et historiques que cela a provoqués chez nous.

Voilà pourquoi recevoir le prix du Père Jacques Hamel à cette occasion est particulièrement riche de sens. Tout indique, en effet, que notre société est traversée par des tensions et des conflits qui risquent de déboucher, sinon sur des atrocités comme celles du Rwanda, au moins sur des affrontements proches d’une guerre civile dont les assassinats du Père Hamel et de Samuel Paty sont la préfiguration.

Ce prix est donc pour moi un précieux encouragement à continuer mon chemin de cinéaste en luttant contre l’ignorance qui sépare et divise, en créant des ponts entre les communautés, les cultures et les religions

Bernard Mangiante

 

 

 Mikael Corre, lauréat 2022

« Ce projet d’article me tient à cœur pour plusieurs raisons. La première, c’est peut-être bête : parce que c’est une interview. Quand nous avons appris, à la rédaction de La Croix, que la grande sœur de Samuel Paty, Gaëlle, vivait à Marciac, un petit village de 1000 habitants dans le Gers, on m’a tout de suite demandé un portrait. Mais dès les premiers mots échangés avec elle sur une table colorée de la jolie terrasse de La Chouette qui lit - c’est le nom de la librairie qu’elle tient avec son mari –, j’ai compris que Gaëlle Paty avait accepté de me rencontrer pour une raison très précise.

Son désir était de raconter son frère « au-delà de l’émotion », et « sans dévoiler l’intimité de sa famille », mais il y avait plus que cela. A l’étage de la librairie, assise tout à droite d’un long canapé, elle a prononcé les mots « communion », « profondeur », « bienveillance ». Elle n’a jamais pleuré. Elle m’a confié son espérance, avec calme et avec force : « Je n’ai pas envie de me battre, ce n’est pas un mot que j’aime. J’ai envie de vivre, avec les autres. »

J’ai écrit quelques lignes, dans le train du retour, sur ce que j’avais ressentis pendant notre rencontre. Et puis j’ai pensé que ses mots n’avaient pas besoin des miens. J’ai défendu, auprès de la rédaction, le fait d’écrire une interview simple, courte et dense. Pour que l’on s’attarde seulement sur ce qu’elle avait à dire. Je suis extrêmement heureux de recevoir ce prix pour une cette interview. Pour une interview. Pour avoir fait mon métier de la manière la plus sobre : être un intermédiaire de la parole de l’autre. »

Mikael Corre

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 Antoine-Marie Izoard, lauréat 2021

Le sort dramatique des refugiés au Burkina Faso ne fait pas la Une de l’actualité́. Seuls quelques échos des conflits à la frontière avec le Mali et le Niger apparaissent lorsque tombe un soldat français de l’opération Barkhane ou qu’un lieu de culte est attaqué. Pourtant, des centaines de milliers de déplacés ont fui les violences perpétrées par des groupes armés au nord du pays et tentent de survivre dans le reste du pays, dans des camps organisés ou des villages de fortune. Les chrétiens, mais aussi les autres communautés, sont les victimes de ces attaques sanglantes. Nous sommes allés à leur rencontre.

Mon reportage, fin février 2020, m’a d’abord mené́ à Linoghin - petit village à l’est de la capitale Ouagadougou - à la rencontre de plusieurs réfugiés accueillis par le curé, le Père David Ilboudo, avec la collaboration de l’imam et du naba, le chef coutumier local. J’ai été particulièrement touché par ma rencontre avec Odile, une frêle mais courageuse mère de famille qui a fui son village au nord du pays avec ses enfants, après l’assassinat de son mari. Elle ne veut pas croire que son mari, président de la communauté́ chrétienne de leur village, ait été tué pour sa religion et vit aujourd’hui paisiblement avec plusieurs familles musulmanes. A Ouagadougou, missionnaires et prêtres locaux m’ont tous confié que le dialogue interreligieux éétait devenu plus nécessaire que jamais, luttant avec les autres communautés contre le seul ennemi, l’islamisme radical.

Dernière étape de mon reportage, j’ai pu me rendre avec une équipe de l’AED dans les grands camps de réfugiés du centre-nord du pays, à Kaya. J’y ai notamment rencontré plusieurs prêtres et religieux qui vivent dans leur chair le martyre mais restent aux côtés de leur communauté́.

Dans un entretien qui clôt ce dossier, l’archevêque de Ouagadougou, le cardinal Philippe Ouédraogo, espère que le pays ne sombrera pas dans un conflit interreligieux ou interethnique dont il aurait bien du mal à se relever.

Antoine-Marie Izoard

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Pierre Wolf-Mandroux et le photographe Laurent Carré

 Pierre Wolf-Mandroux, lauréat 2021
(Prix Spécial du jury)

En arrivant à Nice le 31 octobre, je n’avais pas prévu de rencontrer le P. Parmentier, curé de la basilique où a eu lieu l’attentat du le 29 octobre. Je l’imaginais débordé et effondré. Accompagné de mon photographe Laurent Carré, j’avais pris rendez-vous avec un autre prêtre niçois. Celui-ci, très sollicité, m’a incité à parler au P. Parmentier, qui était dans le même bâtiment que lui. L’entretien, d’une profondeur rare, m’a bouleversé. Au bout de dix minutes, j’ai vite compris qu’il se passait quelque chose de fort. Après l’entretien, le curé me confiera qu’il ne se pensait pas en état de parler, mais que cela lui avait fait énormément de bien. Dans un portrait ultérieur de Libération, il parlera de cette interview comme d’une « thérapie ».

En sortant j’ai contacté mes rédacteurs en chef pour que l’entretien soit publié dès que possible sur notre site internet, sentant que ses paroles allaient toucher et consoler beaucoup de monde. Je n’ai presque rien retouché aux mots du prêtre. Deux heures plus tard, l’interview était publiée.

La réalité, c’est que j’ai posé au P. Parmentier les questions qui m’habitaient profondément, en tant que catholique. Lorsque j’ai appris la nouvelle de l’attentat, le 29 octobre, j’ai crié. Je me suis senti blessé au plus profond de ma chair. Puis j’ai ressenti une colère terrible, qui m’a embrasé l’estomac. Cette sensation m’a effrayé. En posant mes questions au P. Parmentier, je cherchais des réponses non pas seulement pour nos lecteurs, mais surtout pour moi-même. Comment ne pas se laisser submerger par la haine ? Comment rester lucide ? Comment œuvrer pour la paix dans un monde si dur, si violent ? Quel sens il y a-t-il à cette souffrance, s’il y en a un ? Le P. Parmentier a fait appel aux racines de notre foi chrétienne pour trouver les réponses, les bonnes réponses. C’est admirable de la part d’un homme qui a perdu des personnes qu’il connaissait dans cet attentat, qui manquait de sommeil et de force. Ses paroles m’ont fait un bien fou.

Plus tard, le prêtre m’a dit qu’il avait apprécié que je parle le même « langage » chrétien que lui, que je connaisse bien la foi chrétienne. Il avait aussi eu l’impression que cette interview était un véritable dialogue. C’est ce qui a fait, je pense, toute la différence et qui explique la profondeur de cet entretien. Tout comme la présence du photographe Laurent Carré, qui a posé d’excellentes questions.

Pierre Wolf-Mandroux, Montrouge, le 4 janvier 2021.

Article à lire sur > https://www.lepelerin.com
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 Philippe lansac, lauréat 2021 (Prix Spécial du jury)

Le prix du jury est remis à la rédaction de RCF pour son opération spéciale à Nice, à la basilique de l'Assomption suite aux attentats. Interview de Philippe Lansac.

Le rôle des journalistes en faveur du dialogue interreligieux et de la paix :
Les journalistes peuvent indéniablement jouer un rôle en faveur du dialogue interreligieux et de la paix car, étant par définition des médias, ils peuvent et doivent être médiateurs. Leur métier étant de donner la parole et de la rendre accessible, les journalistes peuvent ainsi contribuer à donner accès à « l’autre » avec un grand A, à l’altérité et notamment aux croyants d’autres religions. Qui plus est en radio, un média de la parole et de l’écoute où le journaliste peut justement par les interviews, les reportages, les plateaux qu’il construit, inviter à écouter l’autre, à faire dialoguer les différences pour inviter à la rencontre.

Pourquoi ce projet d’article vous tenait à cœur ?
Le 29 octobre 2020, un terroriste assassinait trois personnes à l'intérieur même de la basilique ND de l'Assomption de Nice. Cette tragédie faisait douloureusement écho à la mort du père Jacques Hamel, le 26 juillet 2016 en l'église Saint-Étienne-du-Rouvray. En choisissant de vivre Noël en direct de la basilique Notre Dame de Nice cette année, RCF a voulu témoigner sa solidarité et sa communion avec une communauté chrétienne et une ville meurtries. Nous avons souhaité nous mobiliser en force non seulement pour donner la parole à la communauté paroissiale, mais aussi pour être avec elle et faire vivre à l’antenne un Noël fraternel. C’est ainsi que, les 24 et 25 décembre, nous avons installé nos studios dans la Basilique d’où était réalisé un programme spécial. En nous souvenant de Simone, Vincent et Nadine, les trois victimes de l’attentat, nous avons vécu la venue du Prince de la Paix avec le diocèse de Nice et en communion avec nos 3 millions d'auditeurs en France et en Belgique. Un reportage réalisé dans la basilique, guidé par le curé de la paroisse, le père Franklin Parmentier, un long entretien avec Mgr Marceau l’évêque du diocèse, des tables rondes et des interviews nous ont plongés dans le mystère de Noël, où la joie d’une naissance porte en elle-même le tragique d’une mort injuste.
Mais c’est sous le signe de l’espérance, de la Vie et de la fraternité que nous avons voulu réaliser cette programmation, car La joie se partage est la signature de RCF.

Qu’est-ce que ce prix vous a apporté ?
Ce prix a d’abord été une grande joie en interne pour toute l’équipe de RCF, une reconnaissance d’un gros travail d’équipe pour mener à bien ce projet. Plus de 6 personnes se sont mobilisées sur place pendant les 3 jours de l’opération spéciale mais c’est toute la rédaction et bien au-delà avec les équipes techniques, web et com qui ,en amont et à distance, étaient sur le pont.
Cette reconnaissance de nos pairs sur la qualité de notre travail nous donne aussi plein d’élan pour poursuivre ce travail sur le dialogue interreligieux et la paix qui est au cœur de  la ligne éditoriale et de la raison d’être de RCF que nous venons justement de retravailler en 2021 : « Partager la joie de s’ouvrir à l’autre, au monde et à Dieu, pour devenir tous acteurs de fraternité »

Ce qui vous a donné envie de concourir pour ce prix
Ce thème du dialogue interreligieux et de la paix est depuis toujours très cher à RCF, la rédaction de RCF s’est donc intéressé à ce prix depuis sa création et il nous semble important, notamment pour les médias chrétiens, d’être acteur de cet enjeu.

Il y a eu toute une série d’émission mais je propose de nous centrer sur le reportage Contre Courant de 25 minutes :
https://rcf.fr/articles/culture-et-societe/notredame-de-lassomption-de-nice-vivre-et-celebrer-apres-le-drame

 

 

 Pierre Jova, lauréat 2020

Le rôle des journalistes en faveur du dialogue interreligieux et de la paix
Il est déterminant : leur vocation est de "vivre la vie et la décrire, quelle qu'elle soit", résumait le grand journaliste américain John Reed. Notre mission est d'aller inlassablement sur le terrain, de rencontrer, de donner la parole, de raconter. Ce faisant, nous espérons permettre à nos lecteurs de se faire une opinion ajustée à la réalité. Nous avons donc une responsabilité pour présenter et faire dialoguer des points de vue qui s'ignorent ou se connaissent trop peu, que ce soit sur le plan religieux, politique, social et international. Or, entendre le raisonnement de l'autre, lui offrir une place, c'est un des moyens de cultiver la paix.

Pourquoi ce projet d’article vous tenait à cœur ?
Comme la plupart des Français, j'ai découvert l'existence de Kayla Mueller à l'annonce de la mort d'Al-Baghdadi, en octobre 2019. Il se disait que l'opération militaire américaine qui avait conduit à l'élimination du "calife" de Daesh portait le nom de cette jeune humanitaire, assassinée en 2015 alors qu'elle était captive de cette organisation djihadiste : en réalité, c'est un indicatif radio qui incorporait la date de naissance de Kayla, le 14 août 1988. En creusant l'histoire de cette femme, j'ai découvert la lettre bouleversante qu'elle avait écrite à ses parents, dans les geôles de Daesh, dans laquelle elle professe sa foi chrétienne. D'autres otages ont raconté qu'elle avait refusé de se convertir à l'islam, malgré les pressions de ses ravisseurs. J'ai donc pris contact avec la pasteure Kathleen Day, qui avait spirituellement accompagné Kayla, puis ses parents, et qui m'a aidé à écrire ce portrait posthume. Je voulais d'abord faire connaître cette figure au public francophone, si proche de la jeunesse contemporaine, généreuse, idéaliste, en quête de sens et capable d'héroïsme. J'ai été également frappé par la proximité de Kayla avec le Père Jacques Hamel : comme lui, elle a reçu cette grâce donnée à certains martyrs de confesser leur foi au seuil de la mort.

Qu’est-ce que ce prix vous a apporté ?
Ce prix est un immense honneur. Le Père Jacques Hamel a suscité des conversions, des envies d'aller plus loin, des gestes de fraternité et de solidarité entre Français de différents horizons. Je suis reconnaissant d'avoir pu apporter ma pierre à l'édifice de sa postérité. C'est une figure qui ne cesse pas de rayonner. Candidater au prix m'a d'ailleurs permis de mieux connaître sa personnalité et son témoignage, en lisant l'ouvrage Prier 15 jours avec le père Jacques Hamel, de Paul Vigouroux (Nouvelle Cité), que je recommande. Enfin, et ce n'est pas rien : le prix m'aura permis de découvrir Lourdes, où j'étais venu enfant, mais dont je ne gardais aucun souvenir. Pour cela, merci Kayla, et merci Jacques !

 

 

 Christelle Ploquin, lauréate 2019

Le rôle des journalistes en faveur du dialogue interreligieux et de la paix

Chacune et chacun d’entre nous a son rôle à jouer dans le dialogue interreligieux. Mais en tant qu’observateur privilégié du monde et des relations humaines, et en tant que diffuseur d’informations, les journalistes endossent sans doute une responsabilité encore plus importante. Trier les informations pour offrir au public de quoi se forger une réflexion éclairée sur les différentes religions. Lutter contre les rumeurs et les absurdités. Refuser d’être le relais des intégrismes. Faire le choix de diriger sa caméra aussi sur les initiatives positives. Tendre son micro aussi à ceux qui construisent la paix. Écrire pour témoigner des possibles. Affirmer sans cesse l’urgence vitale de ce dialogue interreligieux. Voilà une petite partie des exigences que doivent avoir aujourd’hui les journalistes qui abordent la question du dialogue interreligieux.

Pourquoi ce projet d’article vous tenait à cœur ?
En filmant « Le Cinquième Évangile », ce qui me tenait à cœur, c’était d’aider à faire connaître ce texte magnifique d’Adrien Candiard. Je voulais mettre en lumière un magnifique texte qui ne « parle » pas du dialogue interreligieux, mais qui le « vit ». Le professeur de maths Henri Vergès et son ancien élève Ahmed vivent réellement ce dialogue, simplement en vivant leur amitié, en se parlant en frères, au-delà de leurs différences. Et comme le dit la pièce, le monde se porterait tellement mieux s’il y avait moins de pères, mais d’avantage de frères…